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2024 mars
Rodrigo Nava Ramirez - El Corazòn Del Cerro
El Corazón del Cerro (en. tr. Le coeur de la montagne) est un portail qui permet se plonger au coeur de la montagne et d’observer l’itération déifiée qui habite son berceau. Régnant sur la huitième heure de la nuit, le jaguar bondissant vers le soleil rencontre l’obscurité des grottes, gronde à travers les tremblements de terre et éclate en échos. Inspiré par les mythes mésoaméricains et les images sacrées du Codex Borgia, il indique un ensemble de symboles qui sont Autres.

Derrière la vitre, un monstre de terre ouvre ses valves et laisse apparaître un écran qui permet de regarder dans ses eaux noires. Il sert de passerelle vers des réalités parallèles. Sculpté dans la pierre, ce monstre de terre olmèque - également connu sous le nom de “Monumento 9” - est récemment retourné au Mexique après avoir été volé et introduit aux États-Unis. On pense qu’il servait d’entrée à une grotte. Dans les cosmologies mésoaméricaines, les grottes sont des espaces de contact avec le mystique, de dialogue avec la nature. Chargées de sens, elles sont à la
fois un lieu de vie, d’émergence, et un lieu de mort, un accès au monde souterrain. 

Derrière l’écran, des rubans, des bougies et du romarin ; des artefacts de cérémonies chargent l’espace. Un Bromalia florissant jaillit d’un monticule de Terre pour rencontrer la lumière chaude à la surface. Son apparition marque l’achèvement d’un cycle d’une réalité à une autre. Le soleil et la lune, la vie et la mort, la fumée et la lumière. La lave est également extrudée du soufflet de la Terre, formant une plaie rouge et saignante qui brûle et tue tout sur son passage. Le refroidissement rapide des roches volcaniques donne naissance à l’obsidienne, une roche dure et cassante utilisée dans l’Antiquité pour fabriquer des miroirs et des armes, ce qui n’est pas sans rappeler le double usage que l’on fait aujourd’hui de la technologie. 

À une époque où les conflits internationaux concernant la répartition de pièces archéologiques volées abondent, la référence de Rodrigo à deux artefacts volés remet en question les mythes nationaux créés par les États modernes et les valeurs conflictuelles que ces objets prennent dans ces histoires. La technologie utilisée dans l’exposition présente deux propositions : son utilisation comme arme de pouvoir et comme outil pour imaginer d’autres mondes.

Texte Catalina Barroso Luque, édité par Laura Van der Tas
Photos Zoé Aubry